Loi Hadopi. "Oui, je suis un pirate".

Voici un petit témoignage qui me semble intéressant. A vous de me dire ce que vous en pensez?

"J'ai bientôt la quarantaine et j'ai l'adsl depuis la fin des années 90. Je suis un fan de multimédia (j'ai deux ordinateurs, un lecteur mp3, un réflex numérique,...) tous pas très récents - entre deux et sept ans - et achetés d'occasion - je n'ai pas beaucoup de moyens, pas mal de dettes, et deux enfants à charge. Et je suis également un drogué de culture. Depuis le début de l'Internet haut débit je télécharge régulièrement des produits sous copyright. Parallèlement, je continue à consacrer en moyenne un dixième de mes revenus à l'achat de produits culturels (dvd, livres, cd ou encore places de cinéma).




Pour rappel, voici les coûts moyens de produits culturels qui viennent de sortir (prix approximatifs) :
- DVD simple : environ 18 euros
- Livres : environ 20 euros
- CD : environ 14 euros
- Place de cinéma : 9 euros.

Personnellement, j'attends les promos, je compare,... J'achète les places de cinéma par carnet de cinq et je n'y vais pas le week end. J'ai appris la patience. J'attends parfois un an, le temps que le prix baisse, avant de faire l'achat d'un produit culturel que je désire.

Le partage de fichiers (légaux ou pas) s'est bien entendu amplifié au fil des années avec l'augmentation du débit mais il existe depuis le début d'Internet. L'un des plus célèbres réseaux de partage de fichiers, Napster, a triomphé entre 1999 et 2001 (date à laquelle il est devenu un système de téléchargement de fichiers légaux). Je ne me souviens pas l'avoir utilisé. Il faut dire que je suis un utilisateur mac et qu'il y avait nettement moins de possibilités sur mac à l'époque en P2P (partage de fichiers en pair-à-pair - d'ordinateur à ordinateur - avec un serveur qui fait la liaison entre les ordinateurs mais n'abrite pas les fichiers). J'ai surtout utilisé en un premier temps Direct Connect, qui nécessitait un petit logiciel pour se connecter directement à d'autres utilisateurs qui mettaient une partie de leurs fichiers en partage. Chacun pouvait créer son petit hub et en contrôler l'accès à des utilisateurs de son choix; voire même faire payer l'accès. C'était bien entendu le règne des petits chefs qui admettaient et acceptaient qui ils voulaient sur leur hub en imposant leurs règles et leurs conditions voire leurs tarifs.

Je ne piratais alors pas beaucoup. Taux de débit trop lent, utilisation laborieuse des logiciels de partage,... Je me suis mis vraiment au téléchargement avec Torrent. Certains sites du genre sont devenus célèbres tels Pirate Bay ou Demonoid. Mais vous pouvez également accéder à de nombreux sites privés plus ou moins spécialisés dans les domaines les plus divers. La quasi totalité de ces sites torrent sont gratuits. Ils fonctionnent comme un moteur de recherche qui permet d'accéder à l'ensemble des fichiers mis en ligne. On ne vous demande généralement qu'une chose : garder un taux de partage convenable. Car le fichier est disponible seulement s'il y a des sources (si les utilisateurs continuent à le partager après l'avoir télécharger). Tout cela est réglable (taux de téléchargement et de partage) avec de petits logiciels gratuits tels Transmission ou bien d'autres.

Il y a quelque temps s'est développé un autre phénomène. Les forums de téléchargement. Il y en a également pour tous les goûts. Les fichiers sont abrités dans des sites d'hébergement de fichiers tels rapidshare, megaupload,...

Je ne vous parle que des solutions de partage que je connais et que j'utilise mais il y en a bien d'autres. Mon bonheur est de récupérer des fichiers indisponibles dans le commerce (qu'ils ne soient plus édités ou qu'ils ne l'aient jamais été). Des raretés que je n'aurais jamais pu obtenir sans Internet.

Aujourd'hui le partage de fichiers sur internet est devenu un jeu d'enfant. N'importe qui peut trouver le film, le logiciel ou la musique qu'il souhaite. Et je ne connais personnellement personne qui a un accès haut débit et qui ne pirate pas.

Le piratage est-il véritablement un fléau? Que faut-il faire pour l'enrayer?

Je constate simplement que malgré tous les cris de l'industrie de l'Entertainment, les gens continuent d'aller (beaucoup) au cinéma alors que n'importe quel film est disponible parfois avant sa sortie sous forme de screener (enregistré dans une salle de cinéma avec un caméscope - avec parfois une source différente pour le son et l'image) voir avec une qualité d'image proche du DVD (particulièrement s'il y a des décalages dans les dates de sortie entre les différents pays).

Je constate que même si la vente de DVD est en chute, il continue à s'en vendre. Et pas qu'un peu. En France en 2008, "Bienvenue chez les chtis" (téléchargeable n'importe où en très bonne qualité) s'est vendu à 2,7 millions d'exemplaires. Le coffret de la saison 3 de "Desperate housewives", série américaine à la mode et également ultra disponible sur le net deux jours en moyenne après la diffusion américaine avec sous titres français grâce à des bénévoles et donc deux ans avant la sortie française en DVD, s'est vendue à 91.000 exemplaires.

Les gens, comme moi également, continuent à acheter ce qui leur plait vraiment. Ils sont probablement plus sélectifs qu'avant sur ce qu'ils achètent. Il est vrai aussi que le pouvoir d'achat des ménages n'est pas vraiment allé à la hausse ces dernières années et que le prix moyen d'un dvd reste élevé. Il faut par exemple compter entre 30 et 60 euros pour un coffret d'une saison de n'importe quelle série. Vous avez intérêt à pas vous tromper. Il m'est arrivé plusieurs fois de télécharger un album ou des épisodes d'une série pour vérifier si ça me plaisait avant d'effectuer un achat. Je préfère nettement avoir un dvd qu'un fichier divx, ou un CD plutôt que des mp3 d'une qualité parfois moyenne. Surtout que certains éditeurs font un véritable effort sur la présentation et les bonus.

Aujourd'hui je continue à acheter de nombreux DVDs et CDs même de films ou albums que j'avais déjà sous forme de fichier numérique.

Je suis parfois agacé par la sortie régulière de nouveaux supports. Non je ne suis pas passé au BluRay encore bien trop cher. Et il n'est pas question que je remplace toute ma collection DVD par les nouvelles galettes à la mode! On a parfois l'impression d'être pris pour des pigeons!

Autre phénomène induit par Internet, quand vous souhaitez acheter un produit culturel neuf, vous n'allez pas forcément l'acheter au magasin du coin, ni même en grande surface ou à la FNAC. Vous allez regarder sur Internet, voir s'il est moins cher d'occasion (ebay, PrimeMinister, 2xmoinscher), moins cher à l'étranger sur des sites marchands livrant en France, disponible sur Itunes en téléchargement (pour vous assurer qu'au moins vous avez un fichier électronique de bonne qualité...).

Je comprends le désarroi des industries de l'Entertainment qui sont face à des profils de consommateurs de moins en moins prévisibles. Mais ce sont toujours des consommateurs et ils sont prêts à bouffer du produit culturel plus que jamais. Et je trouve qu'Internet est une formidable base pour aiguiser l'appétit. Je crois que nous sommes aujourd'hui dans une phase de transition du marché qui nécessitera un temps d'adaptation.

L'industrie ne sait comment réagir. Et parfois on fait face à des situations improbables. Je déteste acheter un DVD et me voir imposer des bandes annonces ou des clips contre le piratage, acheter un jeu sur mon ordinateur et faire face à des systèmes de protection qui rendent presque plus facile d'en télécharger une version crackée sur Internet!

Pourtant le piratage ne date pas d'hier. Qui dans ma génération n'a pas fait des copies de cds et 33 tours sur cassettes audios de marque Sony, Phillips ou TDK? Déjà! Ou des copies de jeux informatiques sur cassette ou disquette? Ou encore des copies de film sur cassette vidéo? Pourquoi ne pas s'emporter pendant qu'on y est contre les bibliothèques et médiathèques ou l'on peut louer des livres, cds et dvds quasi gratuitement? Quel manque à gagner pour les éditeurs!

Signe de l'époque, aujourd'hui nos gouvernants ont l'air de penser que la solution se situe au niveau de la répression. J'en doute. D'abord parce que c'est tout à fait impraticable. Vous pouvez repérer quelqu'un qui télécharge beaucoup mais comment savoir ce qu'il télécharge s'il passe par des systèmes de téléchargement comme megaupload ou les fichiers sont renommés voire souvent divisés en plusieurs parties. D'autre part UFC-Que choisir a récemment montré qu'il n'était guère compliqué de pirater la connexion internet et l'adresse IP d'un voisin pour pirater à ses dépends. Je suis convaincu que les vrais pirates arriveront toujours à trouver des moyens pour échapper aux filets. Par contre les petits poissons qui ne piratent occasionnellement et en petite quantité,ils risquent de payer pour les autres.

Enfin Hadopi est une espèce de monstre tentaculaire et bureaucratique qui va coûter des millions d'euros et qui a été conçu par des gens qui de toute évidence ne connaissent pas grand chose à Internet. Pour mémoire, selon PC Impact, 6,7 millions ont été budgétisés par la Rue de Valois pour l’année 2009 au titre de la HADOPI. Et la Fédération Française des Télécommunications qui regroupe les FAI prévoit un coût de fonctionnement de 100 millions d'euros et a même revu ses chiffres à la hausse "« ayant suivi les débats hier, je tenais à vous apporter quelques précisions sur le montant des surcoûts qui sont actuellement avancés dans l'hémicycle: les fameux 100 millions d'euros ne couvrent que les frais des développements techniques nécessaires pour la mise en place de la suspension, mais non les coûts correspondant aux demandes d'identification des internautes, envoi de mails, mise en place de la blacklist, coût de la solution technique pour l'industrialisation des systèmes d'information afin de répondre aux demandes d'identification des internautes ... qui excèderont également et de très loin les 100 millions d'euros ».

Il est urgent de réfléchir aux conséquences du piratage, de rappeler que c'est illégal (pour ceux qui en douteraient), et également à l'adaptation de l'offre par rapport à la demande, mais il est aussi urgent de ne pas faire n'importe quoi. Et la seule solution trouvée par le gouvernement va coûter très cher et est tout à fait impraticable.

Pour l'instant la solution la plus fiable que j'ai pu entendre est à mon avis de ponctionner les internautes et les FAI en augmentant (très) légèrement le coût d'accès à Internet pour les usagers et en créant une taxe pour les FAI. Mais ce ne serait intéressant que si l'argent ainsi récolté était effectivement utilisé pour favoriser la création culturelle et non pour enrichir encore plus des stars du show business qui s'installent dans des paradis fiscaux".