lundi 21 janvier 2013

TV. US vs UK. Elementary vs Sherlock, deux Holmes que tout oppose ?


Sherlock Holmes est à la mode sur petit et grand écran. Le regain d'intérêt pour le détective victorien le plus célèbre du monde vient notamment du triomphe de la série médicale américaine de la Fox le fameux "Dr House" (2004-12), copié-collé du personnage de Holmes appliqué à la médecine moderne (et incarné magistralement à l'écran par Hugh Laurie qui était jusque là habitué aux rôles de grand benêt !)."Dr House" lui-même repompé très rapidement dans "Lie to me " (2009-11) toujours pour la Fox, où cette fois notre "Holmes" est un expert dans la détection de mensonges par l'analyse de « micro-expressions » (incarné par un autre grand acteur anglais Tim Roth) et qui aide la police à résoudre des crimes.





En 2009, Guy Ritchie modernise le mythe pour Hollywood, essentiellement via des personnages dépoussiérés et une réalisation très fashion, mais ne sort pas Holmes de la période victorienne (par contre il en livre une version très disneyenne).

Coté anglais, les Britanniques ne sont pas assez fous pour laisser tomber une telle mine d'or. Tout le monde se souvient de la version télé multi diffusée, très respectueuse et consciencieuse "Sherlock Holmes" (1984-94) produite par Granada Television pour ITV avec Jeremy Brett dans le rôle principal.

Difficile depuis de repartir dans une nouvelle adaptation télévisée classique vu que la série avec Brett continue de faire référence. Il n'est donc guère étonnant que Steven Moffat et Mark Gatiss, deux génies de la télévision britannique, également fans de Sherlock Holmes mais aussi de la série mythique de SF de la BBC Dr Who, et qui ont participé au renouveau de cette dernière en écrivant plusieurs épisodes depuis sa renaissance en 2005, aient choisi une direction différente.

"Sherlock" est apparue sur les écrans de la BBC fin juillet 2010. Il s'agit d'une adaptation libre mais assez respectueuse des aventures de Sherlock Holmes, replacées dans un Londres moderne.  On y retrouve les personnages principaux du mythe (Watson, Moriarty, Mycroft, Lestrade, MMe Hudson,...). Le projet bénéficie d'une production luxueuse, d'un casting d'enfer (Benedict Cumberbatch et Martin Freeman) et... de temps (les saisons se constituent seulement de 3 épisodes de 90 mn). Si l'écriture est donc due à deux grands de la télévision anglaise, la réalisation se veut également très léchée et non paresseusement en retrait par rapport à l'écriture et se contentant d'une simple mise en images de dialogues finement ciselés (fait souvent reproché à la télévision britannique).

"Sherlock" n'est pas dénué d'imperfections. Comme dans le "Dr Who" version Moffat (ce dernier est showrunner de la série depuis 2011), la série a tendance à vouloir survendre au téléspectateur à quel point il est en train de regarder une série hors norme et ultra intelligente. Bref, dans Sherlcok, il y a beaucoup de brillance... un peu trop consciente d'elle-même. Quitte à perdre le téléspectateur en l'assommant à coups de génie sur-gonflé et de prétention quasi hystérique. Les 90 mn peuvent parfois paraître un peu longues.

"Elementary", de son coté, est également une relecture moderne des aventures de Sherlock Holmes mais balancée de l'autre côté de l'Atlantique en septembre 2012 sur CBS. D'ailleurs les producteurs ont d'abord contacté ceux de Sherlock début 2012 pour voir s'ils pouvaient obtenir des droits d'adaptation de la nouvelle série de la BBC pour la télé américaine. Finalement, ils décideront de partir dans une direction totalement différente. Et pas seulement parce qu'Elementary est situé à New York.

Non ici, on prend juste le concept du personnage de Holmes (un peu comme dans "House" et "Lie to me" mais avec des références plus visibles et surtout le même nom !) qu'on lance dans de toutes nouvelles aventures qui n'ont rien à voir avec celles écrites par Conan Doyle. Holmes est un jeune fils de famille aisé, évidemment génial et égocentrique (joué par un Johnny Lee Miller pas nul mais pas brillant non plus), qui après quelque temps passé à Londres à se droguer et à aider Scotland Yard, rentre à New York où son père lui assure un toit tant que celui-ci accepte d'être aidé par un coach... le fameux Watson. Sauf qu'ici Watson est une femme sexy d'origine asiatique (incarnée par Lucy Liu célèbre pour sa participation à "Ally Mc Beal" ou aux films "Kill Bill" et "Charlie et ses drôles de dames"), ex-médecin très douée qui a décidé d'arrêter la médecine suite à une erreur qui a entraîné le décès d'un jeune patient. Et le reste des personnages des aventures originales de Sherlock Holmes brillent par leur complète absence (en tout cas aux 3/4 de la première saison).  

Nous avons bien affaire à une énième variation de Holmes, génial et caractériel, retranscription classique du personnage de Conan Doyle. Mais qui du coup peine à se distinguer de... Dr House. Bref on a plutôt l'impression d'assister aux aventures d'un jeune Dr House détective privé et non plus médecin. On est dans de la télévision américaine ultra classique, croisement de Dr House et de NCIS. Ni plus ni moins. Et Johnny Lee Miller n'étant ni Hugh Laurie, ni Tim Roth, il reste à voir si les téléspectateurs suivront la série sur la durée.

Il est amusant de voir que "Elementary" et "Sherlock" sont tous deux quelque part des cas d'école représentant deux types de télévision bien différents mais loins d'être nouveaux. "Elementary" représentant la série classique des grands networks américains (un concept simple et efficace mais un manque d'audace se reposant trop sur utilisation de  recettes qui ont déjà fait leurs preuves) et une tendance britannique à s'auto-référencer et à revendiquer une ambition de brillance qui ne fait pas toujours mouche. Dans les deux cas, le risque d'indigestion est loin d'être à écarter, et votre tolérance risque en partie de dépendre de la tolérance de votre estomac à ces deux extrêmes.

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