Steven Sodenberg est l'un des réalisateurs américains
actuels les plus inclassables. Tout de suite catalogué petit génie en se
permettant de remporter la palme d'or dès son premier long métrage alors qu'il
n'a que 26 ans avec "Sexe, mensonges et vidéo" en 1989, il n'a cessé depuis
d'étonner et d'agacer par son apparente facilité de passer d'un genre à l'autre
avec des choix esthétiques forts même quand il signe des productions
commerciales (la trilogie Ocean, Contagion,...), des films ultra stylisés
(Kafka, Traffic, The Good German), des films essais (Girlfriend Epxerience),
des films quasi amateurs (Bubble). c'est pas toujours digeste, parfois raté,
mais Sodenberg est indiscutablement un maitre de l'image et assure souvent lui-même
la direction photo de ses films sous le pseudo de Peter Andrews et le montage
sous le pseudo de Mary Ann Bernard).
Cet hyperactif - qui produit, joue au directeur de 2nde
équipe pour Hunger Games (!) ou remonte les films des autres et que sais-je
encore sur son temps libre -, avait annoncé son retrait du cinéma. Déclarations
qu'il a lui-même remis en cause par la suite, mais en attendant le voici sur petit
écran avec "The Knick".
"The Knick" est donc une série de dix épisodes
diffusée sur Cinemax entre août et octobre 2014 et entièrement réalisée,
photographiée et montée par le maître lui-même. Oui il ne fait pas les choses à
moitié. On sent cependant d'emblée le projet moins aventureux que sa série "K
street" (2003) sur le lobying politique et mêlant fiction et réalité.
"The Knick" est a priori une série nettement plus
classique sur la vie d'un hôpital situé dans les quartiers populaires new yorkais
au début du XXe siècle. Mais avec Sodenberg il vaut mieux se méfier des apparences
et garder un esprit ouvert.
Le héros, ou plutôt anti-héros de la série, Dr. John W. Thackery
(interprété par un Clive Owen en très grande forme) est un médecin génial mais
qui a de légers problèmes de comportement en société et de drogue. Tiens ça
vous rappelle rien ? Oui, le Dr Thackery a de légères ressemblances avec un
certain Dr House. Autour de lui, on trouve quelques personnages forts et
mémorables : l'ambulancier sans scrupule, la bonne sœur faiseuse d'anges à ses
heures, le comptable qui croule sous les dépenses de se femme, le patron de
bordel et gangster chinois, la directrice de l'hôpital fille du propriétaire,
et le nouveau petit génie de l'hôpital qui n'a qu'un défaut (mais il est de
taille) : il est noir !
De fait, au-delà du travail de reconstitution effectué (on
est littéralement plongé dans le New York du début du XXe) et de la force visuelle
de la série (la marque Sodenberg), la série possède une histoire et des
personnages assez forts pour dépasser l'exercice de style (toujours le risque
avec Sodenberg) et maintenir l'intérêt. La série se révèle étonnamment
accessible.
"The Knick" est l'une des plus belles surprises de
2014. Elle évite l'excès de séquences gores (ah la chirurgie d'antan !), ne
transporte pas ses personnages pleins de failles dans des abîmes d'inhumanité (et
évite ainsi le grotesque).
Et la bonne nouvelle, c'est qu'il y aura une deuxième saison
(Cinemax l'avait commandée avant le début de la diffusion de la première). Tant
mieux car le dixième et dernier épisode ouvre plusieurs voies intéressantes qui
devraient éviter à la série de faire du sur place.
Note 8/10
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