vendredi 16 juillet 2010
Cinéma. Le grand art de Polanski
Pour fêter la libération de Roman Polanski, voici un petit parcours personnel à travers son œuvre cinématographique pour se souvenir, qu'au-delà de toute polémique, Polanski est sans aucun doute l'un des réalisateurs vivants les plus talentueux. Même si on peut regretter qu'il se soit fait assez rare (18 longs métrages seulement en 45 ans de carrière).
- Répulsion (1965) : le deuxième film de Polanski, et premier film co-scénarisé avec Gérard Brach, confirme le talent que le réalisateur avait montré dans "Un couteau dans l'eau". Tourné en Angleterre avec peu de moyens sous la forme apparente d'un film d'horreur de série B, "Répulsion" est une incroyable descente aux enfers dans la psyché de l'héroïne (subliment incarnée par Catherine Deneuve). Une œuvre débordante d'inventivité visuelle. Avec le minimum de moyens et une maitrise parfaite de l'image et du son, Roman Polanski peut vous plonger dans un univers à part, créer une ambiance unique. Cela deviendra une marque de fabrique du cinéaste.
- Cul de sac (1966). Peut-être le film le plus particulier de Polanski, et celui qui est à l'origine de ma fascination pour le réalisateur. Un film d'ambiance avec des bribes de polar, de drame et de comédie dedans,... Un huis clos qui se situe dans un château isolé sur une petite ile perdue dans les sables. Des personnages délirants et un doux parfum d'absurdité entêtant dans un décor sublime. Profondément original.
- Le bal des vampires (1967). Premier film américain de Polanski et également son premier film en couleurs. Et les couleurs justement jaillissent de l'écran. La photographie sublime rappelle les peintures de Chagall (d'ailleurs l'aubergiste dans le film s'appelle... Shagal). Polanski se met en scène dans le rôle du jeune assistant niais d'un professeur chasseur de vampires (le génial Jack MacGowran). Tous deux se retrouvent pris au piège dans le château du conte Von Krolock. Le film est aussi beau que drôle. Roman Polanski donne ici pour la première et dernière fois un rôle à sa femme la superbe Sharon Tate (si on excepte une apparition non créditée dans "Rosemary's baby"). Sharon Tate mourra deux ans plus tard, en sainte de huit mois, horriblement assassinée par les membres de la secte Manson. Au début de l’enquête, les médias américains vont se déchainer sur Polanski, évoquant un rite satanique qui aurait mal tourné (voir mes commentaires sur Rosemary’s baby juste ci-dessous).
- Rosemary's baby (1968). Doit-on présenter ce film qui a marqué des générations de spectateurs? Et qui va coller à Polanski une image de réalisateur morbide avec un goût prononcé pour le démoniaque. Il faut dire que le film est un véritable modèle de film d'épouvante. Tout est parfait. L'ambiance pesante, la musique obsédante, les personnages ambivalents à souhait qui font douter de la santé d'esprit de l'héroïne (Mia Farrow fantastique). Bref le film est savamment orchestré jusqu'à son dénouement terrifiant. Sans qu’on ne soit jamais tout à fait sûr que tout ceci soit bien réel ou issu de l'esprit d'une femme fragile.
- Macbeth (1971). Un film adapté de Shakespeare produit par Playboy! Autant dire que les critiques n'ont pas été tendres avec le film à sa sortie. Pourtant c'est incontestablement l'une des meilleures adaptations de Macbeth qui vaut bien celle d'Orson Welles ou de Kurosawa ("le château de l'araignée"). Le drame de Macbeth y est montré avec une force incroyable, et on reste là les pieds et les yeux plongés dans la boue (celle des décors mais aussi des désirs humains).
- Chinatown (1974). Polanski montre ici qu'il peut signer un polar qui n'a rien à envier à ceux de ses maitres. D'ailleurs, le rôle du méchant est tenu par ni plus ni moins que John Houston, l'un des grands maîtres du polar hollywoodien des années 40 et 50 (notamment « Le faucon maltais » en 1941 et « Quand la ville dort » en 1950). L'ambiance est noire et moite (alors que le film se déroule à Los Angeles, à la bordure du désert sous un soleil écrasant), le final sans concession. Le rôle du détective, tenu ici par Jack Nicholson, est un peu l'antithèse de Bogart. Il rate tout et se traine une bonne partie du film avec un petit sparadrap sur le bout du nez. Le détail qui tue. Mais justement Polanski est un réalisateur obsédé par les détails.
- Le locataire (1976). Premier film français du réalisateur où il vient se réfugier après sa fuite des Etats-Unis (pour la fameuse affaire dont tout le monde a parlé). "Le locataire" le met en scène dans ce film assez proche de "Répulsions". Ici Roman Polanski tient le rôle principal, celui d'un homme qui récupère un appartement dont l'ancienne locataire s'est suicidée, et qui finit par se prendre pour elle. Peut-être le film le plus sombre du réalisateur.
- Tess (1979). Probablement le plus beau film de Polanski sur un strict point de vue plastique. Superbe adaptation d'un chef d'œuvre de la littérature anglaise du XIXème siècle, porté par la beauté incandescente de Natasja Kinski (dont cela restera le plus beau film).
- Pirates (1986). Film d'aventure à gros budget qui a failli couler la carrière de Polanski. Au milieu des années 80, le film de pirates n'était pas du tout à la mode, et l'humour décalé de Gérard Brach et Polanski n'a pas vraiment fait mouche avec le grand public. Pourtant le film est une à mon avis une réussite avec un Walter Matthau magistral. Les décors (et notamment celui du bateau spécialement construit pour le film) sont magistraux. Mais l'humour est peut être moins accessible que celui du "Bal des vampires", et la fin en queue de poisson (c'est le cas de le dire) a pu en déconcerter plus d’un.
- Frantic (1988) : Thriller autour d'un Américain de passage à Paris dont la femme disparait. La première moitié du film est magistrale, la suite un peu moins. Mais l'ambiance très eighties dans ce Paris menaçant est des plus jouissives. Le film a un peu vieilli, mais reste de très bonne facture. Harrison Ford trouve là l'un de ses meilleurs rôles.
- Lune de fiel (1992) : Pour moi ce film est un très joli cadeau de Polanski à sa femme Emmanuelle Seigner, et même si c'est loin d'être le meilleur Polanski (je ne comprends pas trop où le scénario veut en venir), Emmanuelle Seigner y trouve son plus grand rôle.
- La jeune fille et la mort (1994). Un thriller psychologique sous forme de huis clos avec deux acteurs excellents (Sigourney Weaver et Ben Kingsley). Un film sur la vengeance. Roman Polanski arrive un faire un vrai film tout en restant très fidèle au ton de la pièce de théâtre originale. Le réalisateur est décidemment très fort pour adapter des pièces (exercice pourtant au combien périlleux). Ce qui ne laisse présager que le meilleur pour son prochain projet cinématographique, une adaptation d'une pièce de Yasmina Reza (God of carnage).
- Le pianiste (2002). Film sur la Shoah dans le ghetto de Varsovie et donc sur une partie de l'enfance de Polanski (qui lui a grandi dans le ghetto de Cracovie). Un sujet d'autant plus sensible que sa mère n’est jamais revenue des camps. Le résultat est quasi-parfait, évite le côté larmoyant et restitue la complexité d'une époque à travers un destin singulier. Le film bénéficie aussi de l'excellente composition d'Adrien Brody. Oui, Polanski sait définitivement choisir ses acteurs.
- The ghost writer (2010). Retour réussi au thriller après la très, très ratée "Neuvième porte" (indéniablement son pire film). Ambigu, sombre, complexe, d'une rigueur narrative exemplaire,... Bref du Roman Polanski comme on l'aime.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire